07 mars 2016 – Supplément Business des Echos. Page 02
LA CHRONIQUE de Éléna Fourès,
Les conseils d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité, du cabinet IDEM PER IDEM.
Un manager est censé veiller à la rétention de son équipe, a fortiori des éléments clefs. Vous demander si c’est perdre la face que d’essayer de retenir un collaborateur, c’est vous tromper de posture identitaire. C’est donner la primeur à la « Personne » plutôt qu’à la « Fonction » et prendre un départ pour un affront personnel.
Cherchez à comprendre si le collaborateur ou la collaboratrice est en départ effectif ou bien si c’est un moyen d’exercer une sorte de chantage affectif. Vouloir partir et s’en aller vraiment sont deux choses différentes. Beaucoup se contentent d’en rêver, certains en parlent, d’autres menacent de quitter l’entreprise mais, en définitive, peu bougent, seule une minorité passe à l’acte. Le chemin vers le départ effectif est long et passe par le « Détroit des incertitudes » à traverser. Discernez le chantage des vraies frustrations, ne cédez pas au premier, mais engagez-vous à réparer les secondes. Dans le premier cas, il faut vous séparer en bons termes. Prenez une posture de grand seigneur pour assurer que ce sera possible. Dans le deuxième cas, il vous faut comprendre ce qui a fait défaut en termes de reconnaissance (titre, rémunération ou un travail plus pointu ?)…et négocier.
Ne manquez pas de rappeler les règles du jeu : personne, vous compris, n’est irremplaçable. Si l’élément clef de l’équipe s’en va, vous trouverez des ressources internes ou externes pour ne pas ralentir les projets en cours. Quels que soient les circonstances et le dénouement, cette situation est une opportunité pour votre leadership : communiquez que vous n’avez pas peur, que vous ne subissez pas, que c’est vous seul qui décidez de le rattraper ou de le laisser partir. La pire des choses à faire serait de pérorer sur l’ingratitude de votre collaborateur ou collaboratrice, « après tout ce vous avez fait en sa faveur ». Il vous faut accepter l’idée que l’on puisse perdre les meilleurs talents, d’où l’intérêt de les bichonner. Ne lui faites pas non plus, pour le retenir, des promesses que vous n’avez pas les moyens d’honorer. Vous y perdriez votre image de manager et votre crédibilité. La tentation est grande de vous dire : « S’il part, c’est à cause de moi. » En ressassant cela, même dans votre for intérieur, vous risquez de transmettre l’idée que vous avez failli à vos propres patrons. In fine, acceptez la situation et tirez-en des leçons en termes de gestion de risques.