10 juin 2013 – Les Echos. Page 37.
LA CHRONIQUE de Éléna Fourès,
Qui n’aurait pas peur de changer d’entreprise par ces temps turbulents de crise globale ? Ceux qui passent à l’acte, persuadés que « l’herbe est plus verte ailleurs », restent souvent hantés par le présage «dernier rentré, premier sorti ». L’impact culturel n’est pas à négliger quand à la capacité de prise de risques qui repose, elle, sur une certaine conception de la sécurité. A l’exception de la Russie, très velléitaire (« si tu ne prends pas des risques, tu ne boiras pas le champagne »), les cultures populaires européennes s’abritent toutes derrière l’adage « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. »
Dans ces circonstances, deux catégories des cadres se distinguent. D’une part, ceux qui conçoivent leur sécurité comme un capital. Ils l’ont déposé dans une entreprise solide – à laquelle ils ont fait confiance – dont ils en attendent, comme dans le cas d’un dépôt dans une banque, un retour sur investissement certain. Leur sécurité, ainsi placée « à l’extérieur », ne dépend plus que de l’entreprise et ils se sentent fragilisés.
D’autre part, les cadres préoccupés par leur « employabilité ». Tous les trois-quatre ans ceux-là cherchent à se prouver qu’ils intéressent toujours autant les chasseurs de tête. Ces professionnels se posent en acteurs actifs de leur carrière et se considèrent comme des mercenaires éclairés. A chaque changement d’entreprise, ils montent d’un palier la ligne hiérarchique et font évoluer leur niveau de rémunération en proportion. Contrairement à la catégorie précédemment citée, leur capital de sécurité repose « en eux » et ils ne manquent jamais de régulièrement vérifier leur « côte » sur le marché.
A laquelle des deux catégories appartenez-vous ? Si le chasseur de tête vous relance, c’est que vous avez une chance de prendre le poste; ce qui, compte tenu de l’état du marché, est plutôt rassurant. Votre peur de céder aux chants des sirènes ne doit pas vous pousser à faire couler de la cire dans vos oreilles et à vous attacher au mât de votre navire actuel. Profitez de la situation pour faire du self marketing et signifiez, dans la foulée, votre « cote » sur le marché à votre employeur actuel. On ne sait jamais…