“Un affront en public : j’ai honte et je ne le digère pas”

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04 novembre 2013 – Les Echos. Page 37.

LA CHRONIQUE de Éléna Fourès,

Vous ne semblez pas d’accord avec le poète latin Publilus Syrus pour qui « l’affront n’atteint pas l’honnête homme ».
Il est vrai que, dans l’Hexagone, le ridicule tue et le désaveu public déshonore : « Les affronts à l’honneur ne se réparent point », disait Corneille.
Comment réparer l’affront, quand, selon Molière, « plus mon rang a d’éclat, plus l’affront est sanglant« .

Si on applique les recettes traditionnelles, on n’essuie pas l’affront, mais on le lave avec le sang, le sien ou celui de son adversaire. A défaut de vous faire un hara-kiri selon le code d’honneur des samouraïs japonais, ou de provoquer votre adversaire en duel, pas de sortie honorable. D’ailleurs, en France il fallait tuer, tandis qu’en Allemagne, il suffisait de blesser son adversaire pour laver l’affront.

Premièrement, évitez l’autopunition. En gardant la honte à l’intérieur, on s’en fait une corrosion morale qui finit par un ulcère à l’estomac, tant le ressenti émotionnel est acide et décapant. C’est illusoire de pouvoir ainsi digérer l’affront, car on ne digère rien en ressassant. C’est l’autolyse de la honte, maladie auto immune bien locale. Elle s’aggrave parfois par un virus mental de la scène de l’affront passée en boucle pendant des années, pratique courante qui semblerait être une méthode efficace pour se fabriquer un cancer.

Répondez objectivement à la question suivante : n’êtes vous pas en train d’amplifier l’impact de cet incident ? A-t-il eu une résonance comparable sur les autres ? Il vous faut maintenant décider de tourner la page et clore ainsi l’incident de l’affront, car en le prolongeant artificiellement vous « obéissez » à celui qui vous l’avait infligé.

Deuxièmement, comme Shakespeare, pensez « out of the box » : «Tirer l’avantage d’un affront est un don que peu de gens possèdent ». Passez au deuxième degré et instrumentalisez cet incident pour votre « self marketing ». Passez ainsi du statut de victime de l’affront au statut de la personne vaillante qui vacille mais ne se couche pas. En transformant l’humiliation subie en « learning expérience », communiquez à son sujet pour montrer votre recul, votre capacité de vous relever, votre humilité et/ou votre grandeur.

Pensez à la lame de l’acier trempé, chauffée à blanc, puis plongée dans l’eau froide – c’est ainsi que l’on devient invincible.

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