La chronique d’Éléna et Diane Fourès, experts en leadership et multi culturalité, fondatrice et dirigeante du cabinet IDEM PER IDEM.
« Nous n’arrêtons jamais d’explorer, et le terme de toute exploration sera le retour au point de départ. » (Thomas Stearns Eliot).
De plus en plus de dirigeants me rapportent la difficulté qu’ils ont à manager les membres de leurs équipes issus des « jeunes générations ». Les moteurs, les leviers de motivation traditionnels ne s’appliquent pas, et l’entreprise d’aujourd’hui ne semble pas équipée pour répondre à leurs nouvelles exigences, leurs nouveaux modes de communication et de fonctionnement. Cela débouche sur un désarroi général des managers et dirigeants, beaucoup de perte d’énergie et d’émotions négatives des deux côtés.
Pour sortir de cet engrenage, il me semble pertinent d’analyser la situation via le prisme de Richard Bartle, théoricien pionnier des jeux. Selon lui, il existe 4 grandes catégories de joueurs : les Dominateurs dont le moteur est de gagner et dominer la partie à tout prix, les Socialisateurs qui visent l’interaction humaine et le partage, les Accomplisseurs qui cherchent la progression et l’amélioration permanente, et les Explorateurs qui valorisent la découverte et la nouveauté par-dessus tout.
« Les voyages forment la jeunesse » (Proverbe français)
Qu’est ce qui est reproché aux générations dites « Millenials » ? « Ils ne vont pas au bout des choses », « Ils veulent évoluer tout de suite », « Ils se désintéressent très vite » etc. : c’est la logique de l’Explorateur qui est majoritaire chez eux. Tandis que les « Boomers », nourris à l’expertise métier et au principe méritocratique, suivent plutôt la logique de l’Accomplisseur. Ce n’est donc pas un conflit de générations, mais plutôt de modes de fonctionnement.
« L’innovation est presque toujours le fait d’explorateurs. » (Harold J. Leavitt).
La solution qui consisterait à ne recruter que des personnes au profil similaire serait une erreur, car la performance, comme chacun sait, est dans la diversité. Par conséquent, il est urgent d’adapter nos modes de fonctionnement habituels de manager et de dirigeant aux moteurs des Explorateurs, dont le nombre ne cesse d’augmenter avec l’exposition collective aux nouvelles technologies, aux jeux et aux écrans.
Commencez par mettre le focus sur la découverte et la surprise tout en laissant de l’espace de créativité dans votre style de management. Tout l’enjeu consiste à passer du style direct du forestier qui plante, exploite, échange et vend des essences de bois, à celui de l’apiculteur qui surveille la santé de l’essaim, oriente la ruche en la plaçant stratégiquement, laissant les abeilles libres de choisir les fleurs à butiner. Concrètement cela signifie communiquer principalement sous forme de questions, laisser de l’autonomie sur le « comment faire » et récompenser l’innovation en plus de la performance.
Encadrer les Explorateurs est un défi que les Accomplisseurs seront ravis de relever, car la capacité à innover des premiers est un levier de performance.
« Si tu veux progresser vers l’infini, explore le fini dans toutes les directions. » Johann Wolfgang von Goethe.
À FAIRE
Utiliser le bon langage
Si vous avez des Explorateurs dans votre équipe, focalisez vos messages sur la nouveauté et l’inconnu. Utilisez des formulations interrogatives, sollicitez leur vision et envoyez-les découvrir les solutions par eux-mêmes. Vous pourrez ensuite faire le tri et garder ce qui vous paraît pertinent.
Manager en « apiculteur »
Exploiter tout le potentiel des Explorateurs c’est leur laisser de l’espace de créativité. Posez des règles du jeu claires de communication, et envoyez-les en reconnaissance pour trouver des chemins nouveaux et performants. Bref, focalisez-les sur le « Comment » et pas sur le « Quoi ».
Changer le sens de la situation
Beaucoup d’Accomplisseurs sont frustrés par les Explorateurs car ces-derniers ne partagent pas leur valeur performance. Changez votre focus et considérez ces derniers comme une ressource à exploiter pour gagner en efficacité. Surtout c’est un formidable défi de management à relever…
A EVITER
Focaliser sur la performance
Vous n’arriverez pas à motiver voire à communiquer avec les Explorateurs avec le langage des résultats, de l’efficacité etc. Concentrez-vous plutôt sur le socle commun qu’ils ont avec les Accomplisseurs : la curiosité intellectuelle !
Donner les réponses
C’est risquer le désintérêt total des Explorateurs dont le moteur principal est la découverte. Orientez-les de manière indirecte et acceptez d’être surpris par leurs retours : pour eux il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses, juste des chemins à entretenir et à créer.
Espérer qu’ils changent
En tant qu’Accomplisseur, vous avez besoin de sentir que vous et votre entourage professionnel avancez en permanence. Si vous visez la performance, les Explorateurs visent la nouveauté : le chemin est le même, les destinations sont différentes. On voyage mieux en bonne compagnie, ne croyez-vous pas ?