30 septembre 2013 – Les Echos. Page 37.
LA CHRONIQUE de Éléna Fourès,
«Ne craignez pas de passer pour le ou la rebelle de service. Dire la vérité à haute voix, quand tous les autres se taisent, n’a rien à voir avec de la rébellion. Cette dernière est propre aux esclaves, les gens libres n’ayant pas besoin de se rebeller. C’est plutôt une manière de prendre le leadership et de s’exposer car autrefois on coupait la tête de ceux qui apportaient des mauvaises nouvelles.
Toutefois, se contenter de dire que les choses ne vont pas ne suffit pas. Râler de façon stérile est un sport national. Parler pour que les choses changent pour de bon donne du sens à cet exercice périlleux et fait de vous l’agent du changement.
Il faut donc, avant tout, réfléchir et choisir l’une de ces deux options à dimension shakespearienne : le dire ou ne pas le dire, «telle est la question ». Supposons que – sous l’influence de Jean Jaurès : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire » -vous décidiez de vous exprimer, alors que vos collègues, minés par l’adage « toute vérité n’est pas bonne à dire », préfèrent se taire. Encore faut-il que vous puissiez être entendu. Il vous faudra pour cela soigner la forme de votre message, qui devra intégrer une bonne dose de sens politique. Et vous exprimer au nom de votre fonction, en posture de leader et avec un certain recul. Et non en tant que personne, qui risquerait, chemin faisant, d’exprimer des émotions inappropriées, telles que l’irritation ou la colère.
Comment vous exprimer? Pensez à Andersen et à l’enfant de son conte « Les habits neufs de l’empereur » : les courtisans s’émerveillent tous de tissus imaginaires que porterait le souverain. Seule la voix d’un enfant résonne lors de la procession pour dire ce que tous voient en réalité : « Il est nu ! ». Il s’en suit un vrai changement de paradigme social. La vérité finissant toujours par éclater au grand jour. Quitte à déranger les esprits, dès lors qu’un problème se pose, mieux vaut ne jamais trop tarder à en parler. ».