L’inaction ? Pour quoi faire ?

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La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité, fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
elena.foures@idem-per-idem.com

Ma Chronique précédente mentionnait « l’assiette de stabilité » du leader, assurée par le juste équilibre action/inaction : trop d’actions tue l’Action, en projetant l’image d’agitation ou de fuite en avant ; trop d’inaction projette l’image de passivité, de faiblesse, voire de peur d’agir. Ces deux extrêmes sont préjudiciables au Leader. Comment trouver le juste équilibre ?

Notons que la culture de l’entreprise, avec son culte des résultats, est basée sur l’action. Le leader y est littéralement « aspiré », ce qui laisse peu de place à l’inaction.

En vérité, l’action va de pair avec l’initiative, tandis que l’inaction est la capacité à attendre, à discerner pour mieux choisir le moment d’agir, faire mûrir les choses, épuiser et désorienter l’adversaire. Si vous choisissez l’inaction, l’initiative de votre adversaire, n’ayant pas provoqué de réaction, devient un coup d’épée dans l’eau et se retourne contre lui. Ainsi dans les arts martiaux orientaux, l’agresseur face à l’agressé qui s’est effacé (l’inaction), rentre dans le mur, entraîné par son élan, et se fait mal tout seul.

Tout leader devrait donc pouvoir faire deux choix fondamentaux :
– Premièrement, choisir entre agir immédiatement ou ne pas agir(action ou inaction)
– Deuxièmement, choisir le moment d’agir ou la durée de l’inaction

L’inaction a toujours été une grande tactique militaire au service de la victoire. Le général MOULIER Philippe dans son article « Plaidoyer pour le goût de l’inaction ou des limites de l’initiative », paru dans « Pensées Mili-terre » compare les deux campagnes récentes, celle d’Afghanistan, basée sur l’action (et qu’il juge ratée) et celle du Mali, basée sur l’inaction, plus réussie, selon lui. Ainsi, il précise que :

« La victoire du Général Koutouzov, sans jamais détenir ni même rechercher l’initiative, pendant la campagne de Russie de 1812 suffirait à elle seule à prouver que le défaut d’initiative peut toujours être pallié, ne serait-ce qu’en érodant celle de l’adversaire. L’initiative n’est pas une condition sine qua non de la victoire, l’ériger en principe peut en revanche être une des conditions de la défaite. La dédaigner opportunément n’est pas subir : c’est se donner un temps de respiration nécessaire au combat, c’est cultiver le très iconoclaste goût de l’inaction, dont la pertinence relative mais certaine nous apparaît maintenant sans honte et avec évidence, face à l’empressement des conflits contemporains parfois précipités. ».

A FAIRE
1// Faire de l’inaction une vraie marque de leadership
Le timing appartient au leader, qu’il s’agisse de l’action ou de I’inaction. Insistez sur le fait que vous êtes le Maître du Temps et que seuls les vrais leaders osent l’inaction.

2// Communiquer beaucoup
L’inaction nécessite d’être commentée beaucoup plus que l’action. Il faut en expliquer les raisons et, de façon préventive, défaire les amalgames, tels que l’inaction=faiblesse. La communication autour de l’inaction est clef.

3// Maintenir l’assiette de stabilité action/inaction
Suivez votre ratio action/inaction et faites le point régulièrement. Si vous constatez que l’action est omniprésente, corrigez le tir, en choisissant des occasions spectaculaires pour développer l’inaction.

A EVITER
1// Se faire « aspirer » dans la réaction
C’est le défaut de beaucoup d’excellents managers, victimes de pressions extérieures. Ils pensent être dans l’action, tandis qu’en vérité tombent dans la réaction. Cela tue leur image de leader, les transformant en exécutants.

2// Tomber dans la procrastination
Différente de l’inaction, elle signifie remettre au lendemain ce qui est à faire aujourd’hui. L’inaction est une tactique, la procrastination un comportement défaillant, à ne pas confondre !

3// Exprimer des doutes, des peurs
L’inaction est basée sur la ferme conviction que, dans la situation donnée, c’est la tactique la plus appropriée. Ainsi, inaction + convictions=tactique réussie tandis que inaction + doutes exprimés=sabotage de votre image de Leader.

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