La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité, fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
elena.foures@idem-per-idem.com
L’année 2019 apparaît comme un « cru » qui marque l’accélération de la transformation sur fond de turbulences climatiques, politiques et sociétales, qui ont provoqué dans notre pays une crise identitaire nationale aigüe, révélée par les violences collectives sans précédent depuis 1968. Cette crise identitaire signe la fragilité de l’équilibre social, aggravée par une traditionnelle faiblesse des gouvernants français dans le rapport de force.
La perte de valeurs dites traditionnelles, jugées « rétrogrades » (l’honneur, le travail, la nation) relayée par l’absence de valeurs « de rechange » pour fédérer les diverses strates sociales, valeurs qui d’ailleurs n’émergent pas, crée une perte de sens collectif. Résultat : absence de projet commun et polarisation sociétale en « riches et pauvres », « français et immigrés » qui cristallise les haines respectives. L’idéal de consommation, longuement érigé en quasi valeur, a dernièrement perdu de son attractivité, d’autant plus que pendant la période de « l’état d’urgence » due à la menace terroriste, les gens ont appris à adapter leur consommation.
Dans cette configuration collective impressionnante, tout le monde, sans se concerter, s’est souhaité une Année 2019 « sereine ». Interpelée par cette coïncidence à grande échelle, j’ai décidé de concentrer ma première chronique de l’année sur ce sujet d’actualité.
La sérénité est une posture individuelle et collective qui consiste à faire face aux turbulences sans être perturbé(e).
Être serein(e), c’est n’avoir aucun doute sur sa capacité à affronter n’importe quelle situation qui pourrait se présenter. Cela n’exclue pas les questionnements internes sur les moyens, les détails techniques, la stratégie à adopter, ou même une préparation approfondie. C’est en fait, une attitude de confiance en soi qui demande une très grande hauteur de vue et une prise de pouvoir interne sur le monde et la vie : « La sérénité est une conquête » dit André Maurois.
La sérénité est l’état de maîtrise de soi et de gouvernance interne le plus abouti. C’est ce qui fait dire au commandant Chesley Sullenberger un laconique « Position de sécurité pour l’impact » (« Brace for impact ») lorsqu’il entame le premier amerrissage réussi de l’histoire sur le fleuve Hudson à New York en 2009. Les pilotes d’avions connaissent et pratiquent nécessairement la sérénité dans leur quotidien, étant maîtres absolus à bord et ayant la responsabilité de centaines de vies à la fois. Dès qu’ils montent dans le cockpit, ils se répètent la phrase suivante comme un mantra : « Quoi qu’il arrive, je ferai de mon mieux. ». Cette phrase, très simple, prend en compte tous les scénarii possibles et impossibles, met la Fonction qu’incarne la personne au centre de l’action, et assure la posture de maîtrise.
C’est ainsi que l’on construit « l’exosquelette » de la sérénité, en capitalisant sur la confiance en soi, et en mettant fermement le cap sur son objectif avec la conviction profonde, que peu importe les tempêtes, on finira par arriver à bon port.
A FAIRE
1// Adopter la sérénité comme arme
La sérénité est une attitude contre-intuitive : on ne la trouve pas dans la nature, l’animal sauvage étant par définition toujours sur ses gardes et donc inquiet. C’est donc une arme d’autant plus efficace qu’elle est inattendue. Dans une situation difficile, faire preuve de sérénité a un impact énorme et une portée fédératrice forte. Après tout « La sérénité, la noblesse, la majesté sont devenues rares et introuvables. » (Henri-Frédéric Amiel). Démarquez-vous !
2// Cultiver son sens de la légitimité
C’est la base de la sérénité. Cela fera de vous celui ou celle qui organise l’évacuation en cas d’incendie et que l’on suit et écoute, plutôt qu’un(e) membre de la foule en panique. D’ailleurs, dans ces situations-là, personne ne vous demande quelle expertise justifie votre calme ou votre prise de pouvoir…
3// Prendre de la hauteur en gardant les pieds au sol
La sérénité est intrinsèquement ancrée dans la réalité : « C’est l’acceptation de soi-même et de ce qui est. » (L’Abbé Pierre). Elle demande une forte dose d’authenticité et d’honnêteté interne. C’est en fait la capacité à se projeter sans limites dans la réalité objective, ce qui est un exercice en soi ! Entraînez-vous à profiter du soleil au-dessus des nuages, sans oublier votre parapluie.
A EVITER
1// L’inquiétude stérile
L’inquiétude est un état naturel profondément ancré en nous. Seulement c’est plutôt l’apanage des proies que des prédateurs. En plus, cela consomme une énergie folle : si les chats dorment autant, c’est qu’ils sont toujours sur leurs gardes… Cultivez les scénarii positifs, poussez vos raisonnements jusqu’au bout et en projetez les résultats à plus long terme. Vous serez libérés d’un poids.
2// Amalgamer sérénité/renoncement
Gilles Archambault dit « On ne parvient à la sérénité que lorsqu’on a banni l’espoir de sa vie. ». C’est faux. Certes, la sérénité est une attitude qui paraît très terre à terre, positionnant celui ou celle qui la pratique dans une sorte d’attente résignée. Mais « Attendre c’est espérer sinon on n’attend pas. » (Brigitte Giraud). Là où le renoncement correspond à une attente molle, la sérénité est une attitude d’économie d’énergie, jusqu’au moment propice.
3// La sérénité de façade
C’est le syndrome de Tchernobyl, où l’on masque par le calme superficiel la gravité de ce qui se passe en réalité. Cette attitude est dangereuse. Cultivez l’authenticité en vous appuyant sur les éléments auxquels vous croyez et qui vous donnent de la sérénité réelle. Sinon, comme dans la chanson, vous ne convaincrez jamais « Madame la Marquise » que tout va très bien…