02 septembre 2013 – Les Echos. Page 37.
LA CHRONIQUE de Éléna Fourès,
«La fracture numérique » est une frontière culturelle qui sépare les citoyens en deux catégories. D’un côté, les jeunes ou « digital natives », nés avec Internet et citoyens naturels du monde numérique; de l’autre côté, les autres, répertoriés comme «digital immigrants», car arrivés dans ce monde sur le tard. Ces caractéristiques d’un statut social spécifique dans ce monde numérique ont un impact direct sur la vie professionnelle et personnelle.
La fracture numérique fait que les jeunes y sont en formation permanente intuitive par le simple fait de « surfer » plusieurs heures par jour. Tandis que pour nous, les vieux, qui sommes des «immigrés numériques», point de salut professionnel sans une remise à niveau sous forme de formation annuelle informatique. Beaucoup ont en effet beau avoir une vitesse neuronale superbe, leur maîtrise insuffisante de l’informatique les fera apparaître illico comme des êtres en bas débit neuronal. Certains, toutefois, vont plus loin et réussissent à se transformer en « digital mutants », au point parfois d’impressionner leur entourage. C’est le cas de cette consultante quinquagénaire qui non seulement se passe des services des techniciens informatique mais aussi va jusqu’à rectifier le réglage automatique des appareils. Et qui, au salut respectueux des techniciens, n’hésite pas à répondre par un « LOL ». C’est aussi le cas de ce « mutant numérique » de soixante-douze ans qui estime important, de « décider de vivre avec son temps et se former s’il le faut ! »
Un petit exercice : observez les points de péage des autoroutes. De longues files de voitures pour payer en espèces ou par cartes bancaires et… presque personne aux points de télépéage! Des points dont les abonnés sont principalement de jeunes citoyens numériques ou alors des « mutants ».
La dématérialisation et la virtualisation de notre vie quotidienne a décidément un effet polaire : elle angoisse « les vieux » et ravit les « jeunes ».