01 juillet 2013 – Les Echos. Page 34.
LA CHRONIQUE de Éléna Fourès,
La mutation d’un conjoint à l’étranger, alors que la carrière de l’autre est en plein essor, est le nœud gordien des couples de cadres. Comme les propositions flatteuses ne se refusent pas, à moins de prendre le risque de gâcher sa carrière, le couple prend la décision de privilégier le parcours de l’un(e) au détriment de l’autre. Souvent celui ou celle qui suit l’autre sera rattrapé(e) par le blues et la conscience d’un conflit d’intérêts aigu.
«Nous nous sommes mis d’accord que c’est chacun son tour, au rythme de 3-5 ans d’alternance», dit la femme d’un Directeur muté en Asie, « mais il a reçu cette proposition et maintenant il est clair que je ne le rattraperai jamais!»
Le couple qui se vivait, jusqu’alors, comme une équipe de deux cyclistes, chacun sur son vélo, se voit contraint d’évoluer en tandem. Car, celui qui est muté se retrouvera dans la position du capitaine, autrement dit du cycliste qui dirige le tandem, et celui qui le suit, deviendra le stoker, son coéquipier. Les pédaliers du tandem peuvent être liés (pour que le capitaine et le stoker pédalent ensemble), ou indépendants (ce qui permet à l’un des 2 de s’arrêter de pédaler pendant un moment).
Quand la mutation concerne un pays géographiquement proche, certains couples optent pour un compromis, celui de jongler entre le week-end et la semaine, et de continuer, comme si de rien n’était, à mener deux carrières parallèles. L’équilibre vie familiale – vie professionnelle se maintient alors, tant bien que mal, pendant l’année ou deux de la séparation en semaine, mais ne résiste pas à ce modus vivendi à long terme.
Conscientes que la gestion des talents nécessite aussi de prendre en charge la recherche d’un nouveau job pour celle ou celui qui a suivi le conjoint nommé, les entreprises ont commencé à s’occuper des conjoints stokers pour qu’ils retrouvent un job à la hauteur de leur profil. Une initiative qui pérennise le conjoint capitaine dans son job, assure une meilleure intégration des expatriés et un lien identitaire renforcé avec l’entreprise. A priori du gagnant – gagnant !