La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multi culturalité, fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
« Pour savoir qui tu es, écoute ton silence. » (Proverbe Japonais). Nous n’avons plus l’habitude du silence, car il est amalgamé, à tort, à de l’inefficacité dans notre culture française très « Experte ». Or, il est le principal révélateur de notre degré de « sécurité intérieure », c’est à dire de notre capacité à nous accepter nous-mêmes ainsi que nos choix. Si certains prennent la décision de faire des retraites silencieuses pour se confronter à eux-mêmes, faire le point, nous vivons actuellement une situation de retraite forcée où nous sommes obligés de nous regarder dans la glace sans l’avoir choisi.
Ce confinement est d’autant plus désagréable, que ces dernières décennies nous ont offert la possibilité d’échapper facilement à ces sujets que l’on ne veut pas gérer, notamment par le fractionnement de nos espaces de vie (lieu de travail, lieu de famille, lieu de couple, lieu d’amusement etc.). Les ancrages que nous y créons, nous permettent de fonctionner de manière efficace en « cloisonnant » notre quotidien. Sauf que « L’habitude est une chemise de fer » (Proverbe Tchèque), et lorsque nous n’avons plus la liberté de quitter un lieu et sa sphère associée, nous ne le vivons pas toujours bien.
Tous ceux que nous accompagnons actuellement se plaignent d’être « épuisés » par la situation. Il est vrai que le télétravail demande une concentration et un focus d’attention permanent, ce qui « pompe » littéralement l’énergie. Mais ce que nous ne voyons pas, c’est que cette confrontation à soi dans la durée est si inhabituelle, qu’à elle seule elle « vide » parfois les gens.
Durant ce « Grand Confinement », chacun réagit en fonction de son « câblage mental » : les personnes « câblées » « options » s’adaptent plus vite mais ont du mal à se créer de nouvelles routines efficaces, tandis que les personnes « câblées » « procédure » vivent une période de perte de repères avant de créer de nouveaux modes de fonctionnement. Peu importe votre stratégie de départ, pour éviter de se retrouver « à plat », il faut impérativement reprendre le leadership sur la situation en sortant de la phase « réaction ».
Pour cela, il faut prendre de la hauteur et sortir des positionnements habituels « Personne », « Expert », « Fonction » en rentrant directement dans la posture de « l’Arbitre », qui habituellement donne la parole aux membres de votre « Comité exécutif interne ». Faites ensuite un état des lieux factuel, et émettez des recommandations quant à la stratégie à adopter : à quels questionnements vous pouvez apporter une réponse raisonnable et satisfaisante, et quelles prises de consciences vous décidez de mettre de côté volontairement pour le moment. Vous pouvez à cet effet appliquer à vous-même la matrice d’Eisenhower (urgent/pas urgent, important/pas important), très utile.
Pour conclure, je dirais que cette période est propice à la réflexion sur les notions de sécurité interne et externe, individuelle et collective. Plutôt que des bonnes résolutions de Nouvel An qui ne se concrétisent pas, commençons dès maintenant à nous préoccuper de la gestion interne et externe de l’après confinement, en gardant en tête que : « Pour garder la maîtrise de son destin, on doit se donner les moyens de sa sécurité. » (Jacques Chirac).
A FAIRE
Se regarder
Le faire sereinement, il faut arrêter de se juger en permanence et de se comparer aux autres. Pour cela il est important de vous retrouver seul(e), pour initier une conversation avec vous-même en position « Arbitre ». A force d’exploration et de discussion intérieure, vous pourrez faire un état des lieux objectif, puis lancer des travaux d’embellissement.
Mobiliser l’Arbitre
Prenez de la hauteur régulièrement en passant par la position de « l’Arbitre ». Vous n’avez pas choisi le timing de ce confinement, mais vous pouvez décider de ce qu’il va vous apporter ! Il y a forcément un sujet que vous avez envie d’explorer (professionnel, personnel), donc rendez-le explicite avec des objectifs, et chargez votre « Arbitre » d’en faire le suivi. Ainsi vous pourrez travailler votre stratégie de « sécurité intérieure » à long terme.
Faire preuve de sagesse
Il n’est pas raisonnable d’imaginer que ce « Grand Confinement » aboutira à un changement radical de vos dynamiques personnelles et professionnelles. En revanche, c’est une occasion d’explorer les leviers sur lesquels vous pouvez agir, et ceux sur lesquels vous n’avez aucune prise. « Ce qui dépend de toi, c’est d’accepter ou non ce qui ne dépend pas de toi » (Marc-Aurèle)
A EVITER
Se flageller
Attention, explorer ses angles morts ne signifie pas se morfondre sur ses limitations insurmontables. Rappelez-vous que ce sont vos défaillances qui vous rendent uniques, tout autant que vos qualités. Il faut donc vous réjouir quand vous éclairez une zone d’ombre, car vous aurez alors toute la liberté de la gérer par la suite, et vous ne serez plus jamais pris(e) de court.
S’ignorer
Pour pouvoir gérer ses défaillances et les transformer, encore faut-il les connaître ! En refusant la confrontation à vous-même vous vous privez d’un moyen de prévision et de gouvernance intérieure extrêmement puissant. Pourquoi tant de personnes se « réveillent » un jour et constatent que la vie choisie ne leur correspond pas ? Elles ont refusé de regarder leurs « zones d’ombre », qui finissent toujours par les rappeler à l’ordre…
Pratiquer la fuite
A notre époque, il est facile de régler ses « déséquilibres » intérieurs en fuyant (internet, voyages, médicaments…). Seulement le « Grand Confinement » en montre les limites… Il est vain de vouloir échapper à Soi à long terme : « Le moine en fuite n’échappe pas à son monastère » (proverbe Chinois). Le moment de la Confrontation à soi arrive toujours, alors plutôt que de la subir, amenez-la sur votre terrain pour qu’elle se fasse à vos conditions.