La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multi culturalité, fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
« Pitcher », c’est présenter de façon « sexy », synthétique et ultra-courte (1 à 3 minutes) un projet, une start-up ou… soi-même. D’origine anglo-saxonne, c’est un exercice qui n’est pas « naturel » aux Français, en particulier lorsqu’il s’agit de se présenter, compte tenu de notre éducation prônant la modestie, et du conditionnement social de type « ne te mets pas en avant ».
L’objectif du Pitch : susciter l’intérêt, impacter, donner envie de vous suivre, marquer, sortir du lot. C’est un exercice de Séduction professionnelle, qui vise a minima à donner envie d’en savoir plus, plutôt que de donner des informations ou des arguments jusqu’à plus soif.
En effet, nous avons tendance à penser que pour faire envie, pour impacter, il faut laisser la possibilité à notre interlocuteur de comprendre. Le réflexe général est donc de compresser un maximum d’informations dans un minimum de temps. Le plus souvent, cela donne un discours au débit rapide, bourré de chiffres et de justifications, d’informations diverses et variées que votre interlocuteur n’aura pas le temps (ni l’envie) de digérer.
Ce réflexe a un second inconvénient : il ouvre la porte à la contradiction. Ou pire, à ce que votre interlocuteur vous aliène complètement, si ne serait-ce qu’une donnée crée un désaccord ou est mal comprise : « Qui veut tout comprendre finit par mourir de colère » (proverbe arabe). De plus, même si la compréhension procure du plaisir intellectuel et contribue à la prise d’une décision, elle n’implique aucune action directe !
Je vous encourage donc à appliquer ce principe d’Anatole France sans modération : « Mieux vaut comprendre peu que comprendre mal. » ! Le Pitch est une sorte d’amuse-bouche qui doit donner envie d’agir (soutenir votre projet, investir, retenir votre candidature, vous recruter) plutôt que d’informer. Cet exercice comporte, non pas des informations, mais un message. Ce-dernier comporte votre vision, vos convictions, votre « ownership ». Par conséquent, vous le délivrez non pas en posture d’Expert, mais en Leader.
Pour cela, il est important d’avoir un discours accessible : évitez les tournures trop « écrites », car elles sont associées à de la langue de bois dans notre inconscient collectif. Il faut des phrases courtes, percutantes, un style télégraphique. Ainsi, vous serez sûrs de susciter l’intérêt de votre interlocuteur, quelle que soit son attention, sa concentration ou sa connaissance du sujet.
Faire un bon Pitch, c’est accepter de se mettre en avant. Souvent, nous avons peur de nous exposer, alors que prendre la parole c’est se mettre en lumière ! N’ayez pas peur d’exprimer QUI VOUS ÊTES. Il ne s’agit pas de réciter son CV ou d’énumérer ses postes successifs et réalisations : il faut sortir le Virus Mental « Je suis ce que je fais » de votre système ! Au contraire, révélez vos convictions et « mettez vos tripes » sur la table, c’est beaucoup plus engageant. N’hésitez pas à montrer votre enthousiasme, votre joie, votre passion pour le sujet : ce sont des émotions contagieuses et agréables à partager.
A FAIRE
Préparer parfaitement
Un bon Pitch est forcément préparé : ce n’est pas un exercice habituel, il demande donc du travail en amont. Ayez plusieurs versions ou variantes avec des « improvisations » en fonction du temps, de la situation et de l’objectif d’interaction que vous avez (sensibilisation, adhésion, signature…). Vous pourrez alors facilement vous adapter aux circonstances.
Maîtriser le rythme
Ce qui compte, c’est d’être impactant : l’efficacité ne se mesure pas au nombre d’informations données mais à leur intégration par l’interlocuteur (c’est sur lui que vous vous concentrez, pas sur vous). 7 ou 8 phrases courtes, en style télégraphique, atteindront leur cible plus facilement et directement que l’emploi de constructions grammaticales complexes. Omettez tout ce qui est de trop : « Je suis Julien Dupond, et je suis Chef de Projet X ».
Sortir du cadre
Les interactions professionnelles sont tellement codifiées, qu’il est difficile de sortir du lot et d’être entendu. Pour y arriver, utilisez métaphores, allégories, illustrations, car il faut marquer les esprits et surprendre ! N’oubliez pas que le Pitch fait appel à l’émotionnel qui cimente l’adhésion bien plus fort que le rationnel. Ne dites pas « Je suis responsable des hauts potentiels et talents », mais « Je suis botaniste d’entreprise. Je fais germer les talents dans la serre corporate. ».
A EVITER
Parler en posture d’expert
Le Pitch n’est pas une présentation technique. Trop d’informations nuit au discours : on ne parle pas pour soi, mais à quelqu’un et pour quelque chose (sinon on perd son temps). Trouvez le bon dosage pour que votre interlocuteur ait envie de poser des questions de lui-même. Soyez avare d’arguments, d’exemples, de justifications, et généreux en convictions, envies et enthousiasme.
Oublier le message
Votre Pitch doit déclencher une action, il a un objectif, un message. Ce-dernier doit figurer explicitement dans votre discours. Vous voulez qu’on investisse dans votre projet ? Alors il faut le dire « Investir dans notre projet aujourd’hui, vous donnera une longueur d’avance demain ». Ne laissez rien au hasard : tout doit être clair et direct. C’est ce qu’il y a de plus efficace.
Le faire au « feeling »
Certains n’aiment pas préparer, sous prétexte que cela n’est pas « naturel ». Sauf que le naturel est rarement efficace et impactant. Se laisser porter par la situation, l’interlocuteur et son état du moment donne des résultats aléatoires. Surtout, c’est renoncer à l’état de Leadership et rester dans la réaction (donc la soumission). Soyez au minimum au clair sur votre objectif et votre message, et dans le doute commencez par ne délivrer que ce-dernier, le temps d’organiser votre pensée au reste de l’interaction.