La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité, fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
elena.foures@idem-per-idem.com
La capacité à vaincre la résistance collective est un des principaux actifs du Leader inspirant que nous avons métaphoriquement comparé au silex dans une Chronique précédente. Evoquons maintenant la métaphore de l’hélicoptère, illustrant la victoire sur la résistance au changement.
La vision du leader est semblable à l’étincelle qui jaillit du silex pour enflammer la « matière combustible ». Autrement dit, c’est l’élément qui va donner envie aux autres de vous suivre, les faire monter à bord, et les enflammer, donc leur donner une perspective plus haute. Ces deux opérations simultanées – faire monter les autres à bord et décoller en prenant de la hauteur – évoquent l’hélicoptère.
Ainsi, dans un sens métaphorique, le LEADER EST UN HELICOPTERE*. Pour réaliser ce qui était encore impossible il y a une petite centaine d’années, le moteur de l’appareil doit être suffisamment puissant pour vaincre son propre poids (la pesanteur) et la résistance de l’air à son avancement (la trainée).
Il en est de même pour le leader, dont la vision et la capacité à inspirer se heurtent à la force de l’adhérence à l’existant d’une part – inertie qui rend l’atteinte de toute hauteur de vue difficile – et à la résistance générale à la nouveauté – notamment son acceptation et son intégration, ce qui peut créer des obstacles considérables. Ces deux forces sont perçues comme un oiseau de mauvais augure, le signe que quelque chose ne va pas. Ne dit-on pas que « La peur appelle la résistance », ou encore que « La résistance au changement n’est que le refus de la croissance » ?
La résistance a une si mauvaise presse, que l’on oublie que c’est le tout premier stade du changement, une étape incontournable de celui-ci, tant collective qu’individuelle, sans laquelle le changement même est impossible : « Créer c’est résister. Résister c’est créer. » (Stéphane Hessel).
Retenons que la résistance est une sinon la première étape du changement, et qu’elle signe le début de celui-ci. Il faut l’accepter comme telle et se réjouir de sa force car cette dernière est la condition nécessaire d’un changement durable. Plus la résistance est forte, plus le changement sera profond et inscrit dans le temps.
Accepter la résistance comme une chose normale signifie d’abord lui permettre de s’exprimer aussi longtemps qu’il le faudra pour pouvoir s’épuiser, laissant alors la place à l’exploration de la nouveauté. Respecter son timing préliminaire est primordial. Lorsque la loi antitabac du 2006 a été précédée par un « moratoire » d’un an, ce temps a permis qu’il n’y ait presque pas de délits lors de son entrée en vigueur. Aujourd’hui, c’est une disposition particulièrement bien suivie.
Derrière les résistances il y a habituellement des craintes, plus ou moins absurdes, comme ce virus mental de la peur de perdre son identité, particulièrement virulent et souvent exprimé comme « ce n’est pas moi » à la vue du changement. Autrement dit, « si j’adopte ce comportement nouveau, je ne serai plus moi-même », comme si notre identité était la somme de nos comportements !
Alors au lieu de fustiger les résistances que vous rencontrez, prenez-les comme une donnée nécessaire à votre décollage : c’est la résistance de l’air qui, après coup, va permettre le vol en laissant les pales de l’hélice s’appuyer sur elle. Ne retenez qu’une chose : « On ne s’appuie que sur ce qui résiste. » (François Andrieux).
* Analyse tirée du livre de Pierre Fourès Incarnez le leader – Faites mouche !
A FAIRE
1// Combattre l’inertie
L’inertie est un signe annonçant la mort. Nul besoin d’être trotskiste pour comprendre que la « révolution permanente » technologique actuelle nous l’interdit.
2// Apprendre à apprécier la résistance
Contrairement aux apparences et à la tradition, c’est un élément utile. De la même manière, la fièvre est un mécanisme naturel de défense de l’organisme qui sert à tuer les microbes, et ce n’est pas toujours opportun de la faire baisser.
3// S’armer de patience
Le facteur temps est le seul vrai remède contre la résistance. Soyez généreux dans votre timing, mais ne restez pas passif ! Arrosez régulièrement les graines que vous aurez plantées et surveillez leur croissance : vous n’en aurez que de plus beaux fruits.
A EVITER
1// Se prémunir de la résistance
Autant lutter contre le changement de saisons. Ces forces ne sont pas de votre ressort, elles vous échappent. Alors au lieu de les subir et de les nier, embrassez-les et faites-en un atout. Votre stratégie n’est pas basée sur votre jeu de cartes, mais sur la personne qui vous fait face…
2// Le prendre personnellement
Ne prenez pas la résistance au changement pour une attaque personnelle. Il est rare qu’elle soit le fruit d’un conflit avec vous personnellement. Si c’est le cas, séparez-vous clairement du sujet traité.
3// Baisser les bras trop vite
Partager sa vision, emmener les gens à bord de son hélicoptère… C’est un processus qui peut s’apparenter parfois à un chemin de croix, tant les résistances rencontrées peuvent se révéler fortes. N’abandonnez pas, et gardez en tête que c’est votre endurance plutôt que votre vitesse qui comptera : il faut partir à point !