La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité, fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
elena.foures@idem-per-idem.com
Les Français sont considérés comme intellectuellement brillants : leur pensée est généralement sophistiquée, leur expression orale et écrite soutenue, voire précieuse. Paradoxalement, cette brillance a un corollaire malheureux, le virus mental du scénario catastrophe. A la moindre contrariété, c’est lui qui est automatiquement privilégié et déroulé.
La force de ce virus chez un individu est directement proportionnelle à son degré d’intelligence et à sa vitesse de débit neuronal. Plus la personne est brillante (« a quick thinker »), plus le virus est enraciné. La mécanique du scénario catastrophe, devenu réflexe conditionné, est simple : naturellement forts en conceptualisation, les « quick thinkers » modélisent la réalité négative à la vitesse qui correspond à leur débit neuronal, c’est à dire de manière ultra-rapide. Lorsque le scénario catastrophe est suffisamment construit, ils s’y associent alors émotionnellement et commencent à le « vivre » comme s’il s’était déjà réalisé, en éprouvant des émotions négatives réelles par rapport aux catastrophes anticipées. Quand un échec personnel est ainsi prévisualisé, le mécanisme de la prophétie auto réalisatrice fait le reste pour que la catastrophe se réalise. Si vous imaginez rater votre entretien d’embauche dans tous les détails, en vous y conditionnant émotionnellement, il y a peu de chance qu’il tourne bien.
Voici un exemple de situation professionnelle à deux acteurs. Un directeur de filiale est convoqué par son N+1 dans son bureau à 8h. Il s’imagine immédiatement qu’il va être licencié. Il passe une nuit blanche, rentre dans le bureau et … reçoit une promotion. Il n’y avait aucune raison pour qu’il soit remercié, mais son cerveau, contaminé par le virus mental, a « switché » automatiquement sur le réflexe du scénario catastrophe.
Autre exemple dans la vie personnelle cette fois : un homme attend sa compagne qui doit rentrer du bureau, essaye de la joindre sur son portable, tombe sur son répondeur et immédiatement construit un scénario catastrophe d’accident. Ce scénario « explose » littéralement dans son plexus solaire, centre des émotions, au point où il ressent de la douleur physique. Lorsqu’elle finit par rentrer à la maison, il est « déjà » devenu veuf, et a même vécu l’enterrement. Dès qu’il la voit, il s’emporte contre elle au lieu de se réjouir, tandis qu’elle ignore tout de ce qu’il a vécu intérieurement en son absence.
Le réflexe du scénario catastrophe est un virus mental dont il convient de se débarrasser définitivement de la même façon que vous nettoyez votre ordinateur. Le terreau de ce virus est une peur latente de la vie et, parfois, une culpabilité paradoxale due au fait que (bizarrement) tout va bien chez vous, épaulée par un autre virus mental : « rien ne dure, donc, bientôt, ça va forcément aller mal ». Nettoyez régulièrement votre « software » mental et prenez l’habitude d’imaginer toujours l’ensemble des trois scénarii alternatifs et parallèles : un positif, un neutre et un négatif.
Par exemple : « je suis convoqué par mon patron pour : 1/ être promu, 2/ faire le point, 3/ être licencié ». Déroulez les trois en parallèle et préparez-vous à y faire face. En situation, passez naturellement à celui qui est en train de se réaliser.
Cela procure une maîtrise de soi et, surtout, nourrit une certaine foi en vous-même.