La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multi culturalité, fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
« Qu’est-ce qu’un poète ? Celui qui rêve et fait rêver ». Elon Musk a appliqué ce principe à la lettre lorsqu’il s’est inspiré des classiques de la science-fiction pour le design des uniformes de Space X, ou encore pour ses start-ups diverses (Neuralink, Tesla etc.). Si c’est une confirmation de la puissance de ces récits, ces rêves, pour la conduite de l’innovation, cela révèle également que nous avons atteint un goulot d’étranglement dans notre capacité à rêver, que ce soit collectivement ou individuellement.
Aujourd’hui, beaucoup de ce que Jules Verne, Philip K. Dick et Isaac Asimov avaient osé rêver est devenu une réalité, notamment au niveau technologique et sociétal. Mais peu de nouveaux « rêves » d’avenir positif se font entendre : la chute du régime communiste, l’instrumentalisation de la notion « d’avenir radieux » à des fins bellicistes ont à jamais compromis ce concept même… Pire, les meilleures ventes, en librairie comme au cinéma, se font sur des récits post-apocalyptiques, des « cauchemars » d’annihilation de notre société (climat, virus, robots…). Difficile alors de se projeter dans un avenir meilleur, quand tout vous répète que demain sera moins bon qu’aujourd’hui…
Sauf que, sans rêves, véritable « fuel for life », nous avançons branchés sur une batterie de secours, insuffisante par définition pour un plein fonctionnement quotidien. On finit alors par s’assécher, perdre toute motivation et se laisser porter sans conviction, avant l’éventuel abandon. L’humain ne peut pas exister sans rêver en tant qu’individu, et en tant que groupe. Si les enfants sont si énergiques et inspirants pour nous, c’est justement parce qu’ils sont « branchés » sur leur imaginaire et leurs rêves : ils représentent et projettent notre avenir.
« Il n’y a que deux conduites dans la vie : Ou on la rêve ou on l’accomplit ». N’en déplaise à René Char, je pense que les deux sont possibles, en même temps. Nous devons nous débarrasser des croyances et formules limitantes du style « Faut pas rêver ! » qu’on nous a parfois inculquées et qui nous ont fait assimiler le rêve à de l’irréalité, de l’inefficacité, de l’impossible. Nous devons réapprendre à nous projeter par nous-mêmes dans l’avenir positif au-delà des limitations d’aujourd’hui, en nous inspirant d’athlètes, d’artistes, d’entrepreneurs qui ont passé au travers d’obstacles insurmontables pour réaliser leur rêve.
Ce n’est pas pour rien que, de nos jours, l’on favorise et recherche le Leadership « inspirant » : c’est tout simplement que nous sommes en panne « d’inspiration », limités dans notre capacité de rêver. Alors, toute personne capable d’élargir notre horizon avec une vision, un projet, une idée à laquelle elle croit, va nous donner envie de nous mobiliser. Le « rêve » est l’étincelle qui va remettre le moteur en marche, créant l’impulsion nécessaire pour avancer vers sa réalisation. C’est un formidable vecteur de progrès et de transformation gravement sous-exploité, car, pour voir un rêve se réaliser, chacun d’entre nous est capable de créer, libérer et concentrer une quantité d’énergie physique et intellectuelle phénoménale.
Au-delà donc de simplement générer des rêves, il faut aussi y croire ! L’étincelle n’est qu’une condition nécessaire, insuffisante pour vous faire avancer. Pour ouvrir les vannes, dans notre esprit « rêve » doit rimer avec « possible », comme le jeune sportif qui veut devenir champion, le cadre qui veut être promu, ou l’enfant qui veut grandir… Pour cela, le rêve authentique répond toujours à une valeur intrinsèque sous-jacente (liberté, équité, prospérité, justice, respect…) : lorsque Martin Luther King dit « I have a dream », il évoque l’égalité raciale. Plus cette valeur est forte, plus la croyance dans le rêve se renforce, jusqu’à pouvoir se transformer en foi, et la foi fait bouger les montagnes…
Le Covid, au-delà de ses nombreuses conséquences évidentes (sanitaires, économiques, sociales…), nous a volé nos rêves, rendant toute projection dans l’avenir hasardeuse, rétrécissant notre réalité jusqu’à la rendre méconnaissable. Véritable « Serial Killer » de nos rêves, il a validé les croyances négatives que nous entretenons collectivement depuis des décennies et nous a précipité dans le cercle vicieux de préservation de nos acquis. Nous devons apprivoiser notre imaginaire positif en reconnaissant les opportunités qui s’offrent à nous au travers de cette crise (nouveaux métiers, nouvelles priorités, nouveaux rythmes) pour commencer à construire le monde de demain. « Fais de ta vie un rêve, et d’un rêve une réalité. » Antoine de Saint-Exupéry.
A FAIRE
Recenser ses rêves
« Dis-moi ton rêve, je te dirais qui tu es. ». Faites une liste de vos rêves, passés et présents. Vous pouvez relire vos carnets et journaux de jeunesse pour vous nourrir. Associez vos rêves aux valeurs profondes auxquelles ils répondent. Vous aurez alors une base solide pour construire vos rêves futurs, et en garder une trace…
Rêver sans limite
Il n’existe pas de rêve impossible à réaliser, ce n’est souvent qu’une question de temporalité. Entraînez-vous, comme Walt Disney, à vous projeter dans des conditions où tout est possible et où il n’y a aucun obstacle. Alors, vous pourrez élaborer des stratégies pour réaliser votre rêve en partant de la réalité présente. Oscar Wilde l’avait bien compris « Visez la lune. Même si vous échouez vous finirez dans les étoiles ».
Partager ses rêves
Le rêve n’est pas seulement une projection individuelle égoïste, c’est quelque chose qui se partage et se renforce par la même occasion. Votre rôle est de partager votre « vision » : plus le nombre de personne qui croient dans votre rêve augmente, plus la probabilité qu’il se réalise croît également…
A EVITER
Rejeter le rêve
Le rêve n’est pas « opérationnel » par définition, ce qui le rend indésirable pour ceux qui cherchent l’efficacité et le résultat mesurable dans l’immédiat. Le rejeter, c’est risquer de faire du sur-place, de ne jamais grandir, c’est naviguer « à vue » sans jamais pouvoir s’éloigner des côtes… On se coupe alors d’une source d’innovation phénoménale, tout en se condamnant à être dépassé par ceux qui auront osé rêver avec succès…
Rêver négatif
Les cauchemars sont toujours plus puissants que les rêves positifs : c’est pour cela que l’on s’en souvient plus facilement au réveil. Nous sommes assommés par les projections collectives et individuelles de la peur, de la colère et de la tristesse. Vous n’avez pas idée à quel point nous avons tous soif de positif, d’espoir authentique. Projeter un rêve authentique aujourd’hui c’est avoir tous les atouts en main pour gagner la partie.
Avoir peur de ses rêves
« Heureux ceux qui cultivent des rêves. Mais … peu de rêveurs survivent. » (Torey Hayden). Il existe une véritable stigmatisation des « rêveurs » dans notre culture, à tel point que partager ses rêves est un tabou de plus en plus répandu (peur du jugement, de la moquerie…). Osez partager vos rêves avec votre entourage professionnel et personnel, inspirez-les à rêver à leur tour afin de créer un terreau favorable aux idées, au changement et à la prospérité.