10 février 2014 – Les Echos. Page 35
LA CHRONIQUE de Éléna Fourès,
N’ayant pas anticipé cette évolution au sein de votre équipe et mis(e) devant le fait accompli, vous vous interrogez sur la posture managériale à adopter dans une telle situation. Redoutant presque les effets à venir de la Saint Valentin vendredi prochain… Il est pourtant évident que la mixité dans l’entreprise accroit la probabilité que les femmes et les hommes qui se croisent sur le lieu de travail, finissent par se rencontrer, tomber amoureux et former un couple. La séparation entre la vie professionnelle et la vie personnelle n’est plus aussi étanche qu’avant et la règle de « jamais sur le lieu de travail » ne fonctionne plus : même si ce précepte théorique est juste, la pratique est une tout autre chose. Exit le bal pour trouver l’âme sœur, vive le bureau et le Net.
Le danger immédiat de cette situation est la défocalisation temporaire de l’équipe. La création du couple bouleverse sa dynamique et peut impacter négativement son alignement et sa cohésion. Les membres de l’équipe observent le couple, le commentent, parient dessus, bref, pensent à autre chose que les objectifs à atteindre. C’est alors à vous, le manager, de les refocaliser sur les objectifs et les moyens.
Le seuil de tolérance collectif vis à vis des comportements amoureux au travail s’est assoupli : les collaborateurs ne sont pas des agents asexués, et les couples qui s’y forment ne se cachent plus. Pour autant, si le couple nouvellement formé manque de discrétion, passez-leur le message d’interagir sur le lieu de travail en mode « fonction », comme des membres de l’équipe et pas en mode « personne », comme des tourtereaux. Rappelez-les à l’ordre en insistant sur un principe de base : le respect de soi et des autres comme repère de conduite.
En tant que manager, vous ne devez pas perdre de vue les côtés positifs de cette situation, dont je ne citerai que deux aspects. Premièrement, le fait d’être en couple renforce la loyauté envers l’employeur. Deuxièmement, le jeune couple « carbure » sur l’énergie positive et colore « la vie en rose », donc injecte de l’enthousiasme dans l’équipe, ce qui impacte positivement le moral des troupes. « Aimer, c’est se surpasser » disait O. Wilde. Les communistes russes ont largement exploité ce phénomène pendant la dernière guerre mondiale en mettant en veille leur puritanisme habituel. Même les combattants mariés étaient encouragés à avoir des « fiancées de bataille » réputées stimuler l’héroïsme tant au niveau collectif qu’individuel.
03 février 2014 – Les Echos. Page 37.
“ La soirée des « alumni » me déprime: eux ont réussi, pas moi…”
LA CHRONIQUE de Éléna Fourès,
“ La soirée des « alumni » me déprime: eux ont réussi, pas moi…l”
La soirée des « alumni » est parfois un miroir cruel qui nous renvoie nos rêves d’il y a vingt ans. On s’y regarde et le verdict tombe : « Eux ont réussi, pas moi ». Oui, ces anciens collègues partis vivre des nouvelles aventures professionnelles ont réussi dans la vie et l’affichent.
Souvent dans les soirées des promos on trouve deux types d’« alumni » garçons : des « vieux schnocks » et des « vieux beaux ». La première catégorie est accompagnée par des épouses, compagnes fidèles de tous les combats, au même taux d’usure que les maris, burinés par les vents de l’altitude hiérarchique. La seconde s’affiche avec des fraîches beautés, partie intégrante de la panoplie des vainqueurs. Autre tableau, côté« filles » : exceptions à la règle, elles affichent en plus de la réussite professionnelle la réussite personnelle, famille et enfants.
La joie des retrouvailles évaporée, chacun est vite rattrapé par la manie de la comparaison, ce vieux « virus mental » des bêtes de concours. Sauf qu’en l’absence de notes scolaires, on rivalise sur la base des signes extérieurs de réussite professionnelle : le prestige de l’entreprise à laquelle on appartient, un titre, une rémunération qui se devine, l’influence.
Et là, le constat est déprimant, car la comparaison sur de telles bases joue clairement en votre défaveur : vous n’avez ni titre ronflant, ni logo célèbre collé à votre ADN, ni grosse voiture de fonction, ni montre iconique. Et c’est là que vous vous dites :« Je n’ai pas réussi.» Stop ! Cessez de vous torturer. Il est absurde aujourd’hui de vous comparer à d’autres sur la base de leurs critères de réussite, sachant que vous vous avez fait des choix personnels différents vingt ans plus tôt.
Réussir dans la vie et réussir sa vie diffèrent du tout au tout. Vos camarades ont-ils réussi leur vie ? Quid des signaux intérieurs de réussite ? La passion de son métier, le bonheur, l’équilibre de vie, l’épanouissement, la sérénité ? Et de ce retour sur soi quotidien en mode « je suis OK » ?
Dites-vous, à la façon de Voltaire : » J’ai décidé d’être heureux car c’est bon pour la santé « . Changez votre regard sur vous-même et soyez fier de ne pas vous être trahi(e) quand à vos choix.